La cuisine de la Sorcière
The Witch's Kitchen
La cuisine de la Sorcière
The Witch's Kitchen
Remèdes de sorcière et potions magiques - Sorcerers' Remedies and Magical Potions |
La soupe aux claboteux - The Soup of the Dying Man
Je
suis née avec sur le devant, une mèche de cheveux orange. « Carotte » dirent les
uns, « feu follet » me nommèrent d’autres… Puis il y eut ceux, blottis derrière le
gras des fenêtres, qui commencèrent à parler, à raconter « que c’était pas
commun, tout de même c’te mèche ! Qu’les rouquins au moins eux, ils en
avaient toute la tête, des cheveux rouges, mais juste une mèche… Ce ne pouvait
qu’être le signe d’une mauvaise patte… une patte griffue… »
Pis
y en a un qui l’a lâché un jour, le mot. Il a décrété « qu’y avait ben
qu’le diable qu’avait pu l’engendrer, celle-là » et c’est ainsi que je
devins, malgré moi, sorcière.
I was born in silence, with a
red lock of hair stuck on my forehead. ‘Carrot’ called me some ‘Will-o’-the-wisp’
named me others… Then there were those hidden behind their rotten shutters, who
began to talk: ‘t’is not common a lock of that kind! Them redheads have their
whole skull covered, but just a lock, really ain’t common those things… t’is
the sign of the crooked old Fiend I tell ye!’
Finally the dreaded word was
dropped one day: ‘Mark my words t’is the work of the Devil no doubt!’
And this is how against my will
I became a witch.
Enfin,
malgré moi… Au début, quand on me jetait des pierres et qu’on me toisait de
biais, d’un œil méchant et apeuré, certes.
Pis avec le temps, après que je me suis réfugiée dans le Bois des Fayes,
bien dans le fond pour avoir la paix, que je me suis mise à causer avec les chevreuils
et les salamandres, je me suis habituée. Je suis même comme qui dirait devenue heureuse.
Un
jour y a eu c’t’homme qu’est venu me voir. Il avait la mine déconfite, livide
et ridée des gens qui perdent quelqu’un. Bien sûr on est tous nés pour
claboter, mais y a des fois c’est trop tôt.
Against my will, well… At the
beginning for certain, as one used to throw at me stones and evil looks… Then
with time passing, once I had found shelter in the depths of the forest,
chatting with roe deers and salamanders, I got used to this appeasing state of solitude.
I even discovered happiness and bliss.
One day there was
this man who called. He looked downcast, pale and wrinkled as those who are
losing someone dear. Of course we are all meant to croak someday, but sometimes
it’s too early.
Il
s’appelait Jean. « Jean sans foi » qu’ils l’appelaient au village,
parce qu’il était venu chez moi. Il m’a dit comme ça :
—
Y a mon p’tit qu’est en train de crever. On a tout essayé, les sangsues et les
prières à Saint Pierre, mais y a rien qu’y a fait. A chaque nouveau jour, il a
le teint plus crayeux, pis y crache tout ce qu’il peut, le pauv’ tiot… C’est
la mère qui m’a dit de vous voir. Au début j’étais pas ben sûr…vous
comprenez…
—
Bah voyons !
—
Vous pouvez y faire vous ?
The man’s name was Jean. “Jean
No Faith” was he called in the village, for he came to me…
Then he went:
— T’is my boy you see, he’ll
push up the daisies soon if notging’s to be done… We tried the leeches, the
prayers to Saint Pierre but nothing changed nothing. Each new dawn he gets
paler, he spits out all he can the poor lad… T’is my old mum who commanded me
to ask for your help. At first I was not too sure, you see…
— Do I?
— You can help can’t
you?
Ils
avaient pas le sou chez le Jean, comme tous les paysans de là-haut. Ça y allait
à l’économie. Le gamin avait manqué, l’avait pas la constitution. Il avait
attrapé le mal et maintenant c’est la mort qu’il avait sur le dos, parce qu’il
avait pas eu la force de l’envoyer paître…
Scanty money there was at Jean’s, as it is with all the peasants uphill. Nothing could be too spared. The boy had been in want of solid food. No prayer could make for that… Now he bore death on his back for he could find no strength to cast it to hell…
—
Je vais te donner une soupe. Trois fois par jour que t’y en donneras et t’avise
pas de nourrir d’aut’ bouches avec sa ration, où je le saurai et alors…
Jean
sans foi baissa les yeux. L’avertissement avait fait mouche.
—
Tu reviendras chaque semaine en quérir, jusqu’à la nouvelle lune et alors le
p’tit sera guéri.
—
Et… en échange, hésita-t-il un peu inquiet, qu’est-ce que vous voudrez ?
Le
Jean était brave et je n’avais besoin de rien.
—
J’ai tout ce qu’il me faut ici.
— I’m gonna give you a soup.
Three times a day will you feed the boy with it and don’t ever try to spare
some for other mouths or I’ll know it and then…
Jean No Faith lowered his
eyes. The warning had reached target.
— You’ll come back every week,
until the new moon. Then the boy will be out of trouble.
— And…in exchange he mumbled
slightly worried, what will you ask?
Jean was a decent man and I was not in need.
— I’ve got all I require here.
Au
bout des trois fois sept jours que comptait encore le cycle lunaire, Jean sans
foi revint.
Il
avait la gapette bien serrée entre les mains, la tête courbée en façon de
politesse.
—
M..madame, finit-il par bafouiller, tout embarrassé de déférence, je vous ai
amené le p’tit. C’est tout comme vous avez dit, il est guéri et on vous en
remercie tous bien fort.
Le gosse avait le sourire malingre mais il était
mignon. Libre de préjugé et sans ambages il s’approcha à pas de souris, léger
et rapide et me gratifia d’un baiser collant mais sincère. Depuis et sans que
je demande rien, les trous de mon toit de chaume sont réparés et il y a
toujours un bon feu qui m’attend, quand je reviens de la cueillette. C’est
qu’il est brave, le Jean !
After the three sets of seven
days that still counted the moon cycle Jean No Faith came back, his cap well
tightened between his huge fingers, his head bowed down as a mark of respect.
— M’am he said finally
flushing with deference, I came with the lad. T’is all as you said M’am, he’s
cured and he would like to give his thanks.
The boy showed a sickly smile
but he was cute in his own way. Free from prejudice he approached light as a
feather, and gave me a sticky but hearty kiss. Since the day and without asking
for nothing the holes in my thatched roof are mended, and there’s always a good
fire to welcome me back from herbs picking. He’s a brave man this Jean he is!
Pour
constituer la soupe, il faudra mêler grande quantité des sept légumes
fortifiants, aux sept herbes omnipotentes, les cuire dans une bassine d’eau,
sans en laisser échapper les vapeurs et garder tout le temps de la préparation
un cristal de roche pur, gorgé des pouvoirs du soleil. Outre les propriétés des
ingrédients employés, le chiffre sept voyez-vous, est le chiffre des sorciers.
Il renforce la magie et le cristal la porte au bénéfique.
To make the soup one will mix good quantity of the seven strengthening vegetables with the seven omnipotent herbs, then cook them together in a pot of clear water taking care that the vapours don’t escape with the heat. During the whole preparation a rock crystal gorged with the powers of the sun will have to be kept nearby. Apart from the proved properties of the ingredients, number seven you see is the number of sorcerers. It reinforces the magic and the crystal makes it beneficial.
Les
légumes compteront les orties qui rendront sa force au sang, les oignons
qui remettront en ordre les intestins, les lentilles vertes qui renfleront les
muscles, les poireaux qui purifieront la chair, les carottes qui apaiseront le
mal, la pomme de terre qui remettra en route l’économie et enfin l’ail qui
luttera contre scrofules et tumeurs.
Pour
les herbes il faudra bien entendu la sauge salvatrice, le romarin des
convalescents, le pissenlit des engorgés, le thym des infectés, le cumin des
fermentations et le pavot des douleurs.
The vegetables will count the
nettles that bring back strength to one’s blood, the onions which will put the
guts back into order, the green lentils that build up muscles, the leeks which
purify the flesh, the carrots that soothe the pain, the potatoes that fortify
the body and the garlic which will fight scrofula and tumours.
As for the herbs one will
obviously require the saving sage, the rosemary of the convalescents, the dandelion
of the liver, the thyme of the infected, the cumin of fermentations and the
poppy of torments.
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